Déclaration FO au CSA central de VNF d 17 juillet 2025

Communiqué
Communiqué 17 juillet 2025

Madame la présidente, Mesdames Messieurs,

Les dernières annonces du Premier ministre, conjuguées aux trajectoires déjà à l’œuvre à VNF, confirment ce que beaucoup pressentaient : une pression croissante sur les opérateurs de l’État, une concentration des moyens sur les ministères dits prioritaires, et une réduction continue des effectifs dans les établissements publics.

Ce que nous exprimons ici, ce n’est pas une posture. C’est ce que les agents expriment jour après jour : fatigue, inquiétude, perte de sens. Ce n’est pas une lassitude passagère. C’est le sentiment de ne plus être considérés, de ne plus comprendre la direction prise, de ne plus savoir où va l’établissement.

L’Acte 2 de la transformation de VNF ne part pas de rien. Il amplifie une dynamique engagée de longue date : centralisation des décisions, affaiblissement du niveau local, dilution de l’autonomie des équipes. Les UTI deviennent de simples rouages, et les directions territoriales, de plus en plus recentrées sur l’exécution, risquent de ne plus être que des relais locaux de décisions prises à Béthune, et des interfaces pour les élus et responsables institutionnels. Ce glissement affaiblit leur capacité à porter des réponses adaptées aux réalités de terrain, à piloter en proximité et à soutenir efficacement les équipes. On demande à des professionnels d’expérience d’appliquer des décisions conçues ailleurs, sans toujours comprendre pourquoi ni pour qui.

Les discours sont bien huilés. Ils parlent de modernisation, d’efficacité, de transversalité et de co-construction. Mais ce que nous voyons, ce sont des réorganisations à répétition, des méthodes descendantes, une consultation des personnels souvent trop tardive, quand elle existe, et une pression croissante sur des équipes déjà trop sollicitées. Le calendrier s’accélère, la marge de manœuvre se réduit, et l’écoute du terrain s’efface.

Hier, le Premier ministre a annoncé la suppression de 1 000 à 1 500 postes par an, stigmatisant d’autant les opérateurs de l’État, une année 2026 sans augmentation budgétaire, et une concentration des moyens sur les ministères dits prioritaires. Rien n’a été dit sur les établissements publics comme le nôtre. Mais tout a été compris.

Ce n’est pas un tournant, c’est une continuité. Dès 2025, le projet de loi de finances a inclus la suppression de 38 postes à VNF. Ce n’était pas une erreur, mais un signal clair que l’on entrait dans une nouvelle dynamique de réduction structurelle des effectifs, malgré la promesse d’un COP (Contrat d’Objectifs et de Performance) 2023/2026 qui soi-disant sanctuarisait nos effectifs. La direction a tenté de compenser par quelques redéploiements internes et le recours à l’apprentissage. Mais dans les faits, il a même fallu réorienter des postes initialement fléchés sur des missions européennes pour faire face à la pénurie. On ne compense pas une stratégie de sous- effectif structurel par des rustines organisationnelles.

Et pourtant, dans le même temps, le COP affichait des ambitions fortes : transition écologique, modernisation du réseau, développement du fret, renforcement de l’expertise technique. On nous promettait une montée en puissance. Ce que nous vivons, c’est une réduction progressive de nos marges de manœuvre, un affaiblissement silencieux des conditions de mise en œuvre, et une perte de sens pour celles et ceux qui y croyaient.

Alors nous vous reposons la question, calmement mais clairement : comment ce projet peut-il continuer tel qu’il est, alors que les effectifs fondent et que les moyens s’annoncent contraints ? Ne devez-vous pas dès à présent le réinterroger ? Revoir son calendrier ? Repenser ses priorités ? Si vous voulez éviter que l’Acte 2 ne devienne un renoncement déguisé, alors il faut le dire maintenant !

Que valent encore les promesses du COP si elles ne sont pas financées ? Que devient un plan d’investissement si personne n’est là pour le mettre en œuvre, le piloter, l’entretenir ? La transition écologique, le développement du fret, l’entretien du réseau : tout cela suppose des compétences, des équipes, de la présence humaine. Sans cela, ce sont des ambitions sans colonne vertébrale.

Chaque année, 150 agents partent à la retraite. Et il n’y a aucune garantie de remplacement. Dans ce contexte, il serait légitime que la direction nous informe dès maintenant sur les postes et missions qu’elle envisage de supprimer si les annonces du gouvernement se confirment. Quels métiers seraient concernés ? Quels sites ? Quels services ? Les agents ont droit à cette transparence pour pouvoir se projeter, se préparer, et continuer à s’engager avec lucidité. Le risque d’un ratio de deux non- remplacements pour trois départs est bien réel, car pour atteindre ses objectifs, c’est ce que Matignon pourrait réclamer aux opérateurs les plus touchés, pour préserver les effectifs des ministères régaliens. Cela pourrait représenter pour notre établissement, si tel était le cas, une perte de 100 postes par an. Ce n’est pas une prévision pessimiste. C’est une mécanique enclenchée.

Les tensions perdurent depuis trop longtemps dans plusieurs secteurs : surcharge de travail, encadrants sous pression, sentiment de perte de sens. Le plus dure reste à venir, mais les signes sont là ! Les agents font leur travail avec sérieux, mais ils ne peuvent pas compenser à eux seuls les réductions d’effectifs et la complexité croissante des missions.

Le COP promettait des investissements, des recrutements, une modernisation ambitieuse. Mais les chiffres ne collent plus à la réalité. On continue de demander à VNF d’innover, d’accompagner les territoires, d’être à la pointe des enjeux de demain. Mais sans les moyens correspondants, cela devient une injonction sans portée réelle. Les objectifs du COP risquent de ne jamais être atteints. Et la confiance, elle, s’érode déjà.

Nous voyons une tendance : pilotage par les chiffres, repli sur des indicateurs, éloignement progressif du réel. Les services supports sont restructurés sans vision d’ensemble. L’ingénierie de proximité s’amenuise. Et dans le domaine de la maîtrise d’œuvre, les compétences se perdent, faute de temps et de moyens. La création de la DIMOA, si elle avait un sens sur le papier, n’a pas empêché cette fragilisation. C’est un exemple parmi d’autres d’une recentralisation qui affaiblit au lieu de renforcer.

Ces évolutions ne tombent pas du ciel. Elles prolongent ce qui a été mis en place dans l’Acte 1 : la réorganisation de la DSIN, la réorientation des fonctions support, et une logique de pilotage de plus en plus éloignée du terrain. Des écoutes ont eu lieu, certes. Mais les décisions ont été peu modifiées. Les remontées ont souvent été perçues comme des obstacles plutôt que comme des alertes utiles.

Cette réorganisation n’a pas été conduite sans échanges avec les représentants du personnel. Mais elle est loin d’avoir convaincu tout le monde. Si certains y ont vu des opportunités, une clarification ou une valorisation de leur rôle, d’autres, au contraire, y perçoivent une perte de chances, une mise à l’écart ou l’impression de ne pas trouver leur juste place dans la nouvelle organisation.

Ce sont ces écarts de perception, parfois vécus comme des injustices, qui fragilisent aujourd’hui le lien entre les agents et leur établissement.

Nous ne rejetons pas le changement. Mais nous refusons qu’il se fasse sans les agents, ou contre eux. Un établissement comme VNF ne tient pas par ses organigrammes, mais par les femmes et les hommes qui y travaillent chaque jour.

FO-VNF continuera à porter la voix des agents, à faire remonter leurs alertes et à défendre, sans relâche, leurs conditions de travail.

Nous ne parlons pas pour dénoncer par principe, mais pour alerter, questionner, et rappeler que les décisions importantes ne peuvent être durables que si elles intègrent pleinement la réalité vécue par les agents. Si transformation il doit y avoir, alors elle doit s’appuyer sur les forces vives de l’établissement, sur l’expérience de terrain, et sur la parole de ceux qui le font tenir chaque jour.

Le service public fluvial mérite mieux que l’usure silencieuse de ses agents. Il mérite un projet clair, honnête sur ses moyens, ambitieux mais réaliste. C’est cette exigence de vérité, de justice et d’efficacité que nous continuerons de porter.

L’équipe FO-VNF