Préfets tout-puissants : deux décrets renforcent leur autorité au détriment des politiques ministérielles et sans aucune concertation

Deux décrets publiés au Journal officiel du 31 juillet 2025 modifient en profondeur les équilibres institutionnels entre administrations de l’État au niveau territorial. Il s’agit :

– du décret n° 2025-723 du 30 juillet 2025, modifiant le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’État dans les régions et départements ;
– du décret n° 2025-724 du 30 juillet 2025, étendant le pouvoir de dérogation reconnu aux préfets, pris pour l’application du décret précité.

Ces textes ont été publiés sans aucune concertation préalable avec les organisations syndicales, en dépit de l’avis unanimement défavorable exprimé au CSFPE (Conseil supérieur de la fonction publique de l’État). FO dénonce cette méthode autoritaire et alerte sur les conséquences graves de ces évolutions, en particulier en matière de pilotage interministériel des politiques au niveau territorial.

Une extension sans précédent du pouvoir préfectoral

Le décret n° 2025-723 modifie en profondeur le décret “structurel” de 2004 qui organise l’action territoriale de l’État. Il conforte encore la position de chef de file absolu du préfet dans la conduite de l’ensemble des politiques publiques, y compris celles relevant historiquement de ministères techniques spécialisés. En pratique, le préfet voit :

– son pouvoir d’arbitrage renforcé sur l’ensemble des directions départementales et régionales ;
– sa capacité d’imposer une coordination opérationnelle locale accrue, y compris sur des sujets à haute technicité (climat, biodiversité, urbanisme, santé…) ;
– sa faculté de désigner des “chefs de projets interministériels” pour piloter certains chantiers ou politiques, en dehors de tout cadre ministériel traditionnel.

Un pouvoir de dérogation étendu à des domaines sensibles

Le décret n° 2025-724, pris en application du précédent, élargit encore le champ du pouvoir de dérogation réglementaire attribué aux préfets. Ils peuvent désormais, à titre expérimental ou pour favoriser un projet local, suspendre l’application de certaines normes réglementaires dans des domaines particulièrement sensibles : protection de l’environnement, aménagement du territoire, santé, sécurité, agriculture, etc.

Ce pouvoir, autrefois encadré, devient de plus en plus discrétionnaire, et pourra être mis en œuvre sans validation systématique de l’administration centrale ou des services techniques ministériels. Le texte ne prévoit ni contrôle systématique des contreparties, ni information transparente des agents ou de leurs représentants.

FO alerte : vers un affaiblissement structurel du portage égalitaire des politiques publiques, la porte ouverte vers l’arbitraire

FO souligne en particulier :

– le danger de décisions locales dérogatoires non encadrées notamment en matière de normes environnementales ;
– le mépris affiché pour les avis des instances consultatives, dont le CSFPE ;
– le risque d’arbitraire territorial, avec des règles différentes selon les préfets, et sans contrepoids technique ou démocratique.

FO réaffirme son opposition à ces textes, qui fragilisent l’organisation républicaine de l’État et affaiblissent gravement l’expertise ministérielle, au détriment de l’intérêt général. Elle demande la réouverture d’un dialogue structuré sur l’organisation territoriale de l’État, associant les représentants des personnels et des ministères techniques, ainsi que la garantie que les agents publics ne soient pas contraints d’appliquer des décisions contraires à leur éthique professionnelle ou à la réglementation de leur ministère de rattachement.

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